TÉMOIGNAGES

Témoignage de Sophie D.

4 juillet 2024

Je souhaite rendre hommage à mon père que j’ai perdu dernièrement le 17 avril 2024, d’un cancer du pancréas. Ce fut un combat mené en duo avec moi qui a duré 9 mois.

En février 2023, mon père venait à peine d’être retraité, et il avait pour projet de revoir sa famille aupays, mais à partir de mars, il commence à avoir des douleurs au niveau du ventre, habituellement mon père n’est pas du genre à consulter son médecin, mais cette fois-ci, il est y aller, son médecin lui prescrit un traitement pour soulager ces douleurs.

Le traitement étant inefficace, ces douleurs persistant toujours, il a dû faire plein d’examens dans plusieurs établissements (Scan, IRM, echo-endoscopie..)

Après des mois de recherches, le 30 juin, on lui diagnostique un adénocarcinome dupancréas localement avancé. Un cancer foudroyant qui reste très silencieux car lessymptômes se manifestent tardivement, ce qui fut son cas. Malheureusement son projet tombe à l’eau, et décide de le mettre en stand-by.

En juillet, il est aussitôt pris en charge dans le service de pancréatologie et oncologie digestive de Beaujon, on nous explique la procédure des chimio ainsi que leurs effets secondaires, à ce moment là mon père n’avait pas peur, il se disait qu’il allait s’en sortir et guérir de cette maladie, pour revoir sa famille.

Avant de démarrer sa première chimio, il devait arrêter de fumer et boire. Ce fut un challenge difficilepour lui, car il buvait et fumait régulièrement, malgré l’utilisation des patchs nicotine.

Concernant son poids, il devait reprendre du poids avant le traitement car il était devenu très maigreur donc il devait prendre en plus de ces repas, des compléments alimentaires qui lui avait étéprescrits.

Il s’est retrouvé avec des tas de médicaments à prendre, cela était tout nouveau pour lui car iln’avait pas l’habitude d’en prendre autant. Heureusement que le pilulier était à sa disposition.

Moi de mon côté, ma vie avait littéralement changé depuis sa maladie, il était devenu ma priorité, jem’étais occupé de lui étant seule.

Les débuts furent durs car je me suis retrouvé avec des panoplies d’ordonnance, plein d’information à retenir car j’étais sa personne de confiance, puis mon père parlait peu le français donc la communication se faisait difficilement, je devais être présente en permanence mais heureusement que les infirmiers de coordination du service étaient présents ainsi que le passage des infirmières à domicile pour m’accompagner. Ils ont été d’une grande aide pour moi.

Il a eu recours à 3 cures de chimio dont la première par Folfirinox, et les 2 autres par GemzarAbraxane, qui a été très mal toléré, il a eu des vomissements, une fatigue intense et une perted’appétit.

Une prothèse biliaire a été mis en place car sa voie biliaire était comprimée. Sa perte de poids futénorme, il était en anorexie, donc il a eu recours à la nutrition entérale mais cela n’a pas durélongtemps, il a eu des vomissements à cause de la sonde qui le gênait, puis il est passé par lanutrition parentérale qui s’était avérée compliquée par la suite, puisqu’il a eu 3 abcès hépatiques aufoie. Son cathéter s’était infecté, c’est l’un des premiers risques d’une nutrition parentérale.

Après plusieurs mois d’infection, les médecins décident de mettre un terme aux chimios, monpère n’adhérait pas aux traitements proposés, cela l’épuisait plus qu’autre chose. Il espérait avoir recours à la radiothérapie par la suite, mais son cancer était trop avancé. Il ne faut pas oublier, cecancer qui se propage très vite en si peu de temps.

A ce moment-là, il était dans la phase du déni, selon lui, il allait s’en sortir malgré l’arrêt des traitements.

Dès novembre, l’hôpital de Beaujon me mets en contact avec le dispositif d’appui à la coordinationDac Opalia, une infirmière de coordination m’a accompagné et écouté tout au long du parcours. Il nefaut jamais refuser de l’aide venant d’un dispositif tel que celui-ci

L’infirmière coordinatrice était là pour m’expliquer les soins de support, il s’agissait des soins palliatifs,je ne savais pas réellement ce que c’était et quel était leurs buts jusqu’à ce que je réalise qu’ilsaccompagnaient des patients en fin de vie ou non selon la gravité de la maladie, qu’ils étaient là afin desoulager leurs bien-être malgré les douleurs.

A partir de décembre, il a commencé à avoir des vomissements, il fut transféré dans la premièreunité de soins palliatifs ou il est resté presque 2 mois afin de se stabiliser, entre temps, il a développéd’autres symptômes comme l’anxiété et la tristesse.

Son mental était impacté, il voyait son corps changer brutalement et était frustré à l’idée de se dire qu’iln’avait plus d’examen et de traitement qui puisse le sauver ou améliorer la qualité de sa vie.

Moi aussi, j’étais perturbée depuis l’arrêt de ces traitements, je m’étais dit qu’à n’importe quel momentil pouvait s’en aller, une part au fond de moi, j’avais cette peur, mais je gardais tout pour moi, je devais me montrer forte à ces côtés et être courageuse et me battre avec lui-même quand il n’avait plus de force.

Par la suite, il a fait une HAD qui n’a duré qu’un temps, sa maigreur était tellement énorme qu’il a finipar faire une chute dans les escaliers, il pensait avoir la capacité à faire certaines choses, il n’avait plusde force et dormait beaucoup malgré la douleur.

Il a été transféré dans 2 autres unités de soins palliatifs. Cette fois-ci son mental et son physique ont étéimpacté, il avait des périodes de confusion, il avait besoin d’une assistance en permanence pour les actesde la vie courante.

Malgré sa dénutrition sévère, les médecins étaient impressionnés par sa capacité à essayer d’êtreautonome, c’était un résistant mais malheureusement ces jambes ont fini par lâcher à la fin, il étaitalité. Il ne pouvait plus rien faire.

La veille de son décès, le médecin me propose un projet pour faire une HAD car selon lui, mon pèreallait très bien malgré le fait qu’il était alité et stable.

J’ai refusé le projet, pour moi il était hors de question qu’il retourne à son domicile surtout qu’ilétait instable, mon père était quelqu’un de très pudique et réservé, il n’osait pas le dire qu’ilsouffrait. C’était une souffrance en silence.

Il ne faut pas avoir peur de contredire un médecin, car au final je m’estime heureuse d’avoir refusé uneHAD, mon père est décédé le lendemain..

Le plus horrible dans tout ça, c’est de voir un être cher souffrir en silence et qu’on ne peut rienfaire pour les aider à part être présents et se battre pour eux même dans la douleur. Il restera unrésistant à mes yeux, il s’est battu comme il le pouvait.

J’estime qu’il est important d’apporter un soutien physique et moral aux personnes souffrant de cettemaladie.

C’est un cancer qui est malheureusement méconnu, et je pense qu’il est important de sensibiliser legrand public à ce sujet dont nous parlons peu. J’ai espoir que les futures recherches permettront un meilleur diagnostique de ce cancer et que chaque patient soit pris en charge dans les meilleurs délais.

J’espère infiniment que la parole des patients ainsi que des aidants soient entendues.