Bonjour, je m’appelle Sophie. J’ai 46 ans.
Le samedi 25 mars 2023, je vais faire une prise de sang que j’ai demandée à mon médecin traitant parce que j’ai des démangeaisons et mal au ventre. Vers 13h le biologiste m’appelle pour me dire que mes transaminases et gamma GT sont très élevés et m’encourage à aller aux urgences. Sans douleur particulière, en plein forme je passe 24h aux urgences pour suspicion de pancréatite aigüe. Je suis alors hospitalisée. Le 30 mars je passe une IRM et le lendemain une endo-échographie. Le diagnostic tombe en même temps que débute un ictère. J’ai une tumeur de 20-25mm à la tête du pancréas avec engrainement des veines. J’ai travaillé quelques années en oncologie. Je sais de quoi le médecin est en train de me parler. Le temps s’arrête. Je sens l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête, sur ma tête. Je suis sonnée. J’annonce à tout mon entourage la maladie. Ce moment est extrêmement difficile. La seule chose que je souhaite est de leur épargner de la souffrance mais je suis porteuse de cette mauvaise nouvelle. Je reçois alors un soutien sans faille de mon compagnon, de ma famille et de tous mes prochesJe sors de l’hôpital avec un rendez-vous chez le chirurgien la semaine suivante. Il est peut-être possible d’opérer tout de suite. Après ce rendez-vous, je rencontre immédiatement l’oncologue. Nous devons débuter par de la chimiothérapie. Mais avant il faut me poser un drain pour évacuer la bilirubine. Je suis jaune, j’ai des démangeaisons atroces surtout la nuit. Je ne dors plus. Nous devons attendre que l’ictère disparaisse avant de débuter le traitement. Pendant toute cette période d’attente je pense à la mort nuit et jour et enfin le combat commence.
La chimiothérapie débute, je ressens à nouveau de l’espoir. Je constitue mon « armée ». Je découvre, redécouvre à quel point je suis aimée, entourée. Je me sens chanceuse de tout cet amour. J’ai aussi une équipe médicale et paramédicale très présente et réactive. Nous partons tous au combat. Tout au long de mon parcours de soins j’approfondis ma foi. La prière m’aide beaucoup. Ma foi est importante et constitue un de mes piliers qui me remplit de force et de joie au quotidien. Le parcours de chimiothérapie n’est pas simple. J’ai un cycle de 12 cures de folfirinox prévu. J’ai 9 cures avant l’opération. Malgré une relative bonne tolérance, j’ai du mal à supporter de me sentir diminuée, faible. Mais dès que je retrouve de l’énergie, en général la deuxième semaine, je sors, je marche, je vois les amis ou la famille. Je ne suis pas seule. Parfois, tout de même le ressenti d’une grande solitude face à la mort reste inévitable. Heureusement je trouve toujours une oreille bienveillante qui peut entendre mes peurs et mes angoisses.
En septembre, je reçois la date de mon opération : le 2 octobre. J’investis ce temps pré opératoire en marchant une heure tous les jours, en voyant mes proches, en profitant de chaque instant. Je sais que cette opération est une grande étape. Mon corps va être transformé. Je ne serai plus jamais la même. Le risque de mortalité est aussi présent. Autour de moi se crée une immense solidarité, pas un jour je reste seule. Je vis tous ces moments depuis l’annonce de la maladie comme une bénédiction. Je ressens une grande joie et beaucoup de bonheur tout en vivant un véritable cauchemar.
L’opération. Je reste une dizaine de jours en soins intensifs puis deux semaines en hospitalisation. La douleur est très bien gérée mais l’alimentation et les diarrhées sont difficiles. Moi qui aime tant manger, c’est un cap très rude à passer. La veille de ma sortie d’hospitalisation, j’ose poser « la question » au chirurgien concernant les marges de la pièce opératoire, est-ce qu’elles étaient saines ? car il y a des tissus cancéreux à la limite de la partie enlevée lors de la chirurgie. J’ai très peur de la réponse. Il me dit qu’elles sont saines MAIS j’ai 3 métastases ganglionnaires lymphatiques (3/43). A nouveau le ciel me tombe sur la tête. Je n’ai pas pensé à cette éventualité. La mort refait son apparition. Affaiblie par l’opération je ne gère pas du tout cette nouvelle.
La convalescence est longue. Chaque jour je regagne en autonomie. En décembre, je reprends la chimiothérapie et j’entame une nouvelle tranche d’analyse. Je sens bien que seule je n’arrive plus à gérer mes émotions et je ne veux plus charger mon entourage. J’ai besoin de l’écoute d’une professionnelle. Petit à petit je retrouve quelques habitudes, d’abord un salon de thé puis un restaurant et de nombreux moments de bonheur….
Ma vie reste rythmée par les scanners tous les 3 mois. Comment vivre ce temps entre les scanners ? Comment ne pas penser à la récidive ? A la mort ? Comment se projeter ?
Cet équilibre est précaire. Je tente chaque jour de construire une réponse adaptée qui me permet de continuer à avancer. Mon prochain scanner est en juillet. D’ici là, je vis. Je vivrais aussi après ce résultat mais avec quelle nouvelle et comment. Je ne sais pas…
Est-ce cela le « lâcher-prise » ? Peut-être. Un sacré exercice d’équilibriste…
Je vis des moments de fatigue, de douleurs, d’angoisses, de découragements, d’espoir, de motivations, d’envies, de joie, de bonheur.
Je suis en VIE.